Former des enseignants à l'écoute sensible et empathique des élèves dans l'accompagnement des apprentissages. Une approche phénoménologique pour favoriser la réflexivité.
Emmanuelle Maitre De Pembroke  1@  
1 : Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne - Paris 12
LABORATOIRE LIRTES PARIS EST SUP

En 2015, les instructions officielles intègrent le terme bienveillance dans les programmes de l'école. De même, en septembre 2023, Gabriel Attal annonce des cours à l'empathie dans les écoles françaises et des kits sont proposés pour développer l'empathie dans les classes. L'introduction de ces termes entre en résonnance avec les travaux de l'équipe de Debarbieux (2015) et les rapports PISA qui soulignent les failles du système éducatif français en matière de sécurité affective. Pourtant, de nombreux travaux démontrent l'importance cruciale d'un climat affectif apaisé pour entrer dans les apprentissages (Marsollier, 2012, Siekkinen & al., 2013 ; Gueguen, 2014). Or, les concepts de bienveillance et d'empathie sont fluctuants et mal définis et gagnent à être clarifiés (Aden, Eschenauer et Maitre de Pembroke, 2024).

 

Nos travaux s'inscrivent dans ce contexte en proposant un pas de côté. D'une part nous nous positionnons dans les définitions de l'empathie en reprenant appui sur des écrits fondateurs de Carl Rogers et leurs prolongements dans des travaux plus récents en sciences humaines et en sciences de l'éducation. D'autre part, nous présentons les travaux menés sur le terrain dans le cadre de la formation d'enseignants pour mettre à jour les savoir-faire relationnels et de gestion émotionnelle qui constituent un volet fondamental des gestes professionnels et des qualité de posture enseignante. Ces savoir-faire intuitifs ou implicites, bien qu'ils représentent une forte part de l'expertise enseignante (Perrenoud, 2001), font partie des compétences invisibles (Champy Remoussenard, 2014), difficiles à conscientiser et à mettre en mots. De ce fait, ils sont peu reconnus et abordés en formation, ce qui laisse bon nombre d'enseignants démunis. Par ailleurs, les conseillers pédagogiques qui accompagnent l'entrée dans le métier n'ont pas les leviers pour transmettre ces compétences intuitives, nommées « charisme » ou « qualité de présence ».

 

Notre démarche, de nature phénoménologique, s'appuie sur l'entretien d'explicitation (Vermersch, 2012) et favorise la prise de conscience de ces compétences et de leurs composantes entrecroisées : perceptives, émotionnelles, cognitives et éthiques. Elle permet également de retrouver les niveaux de sens contenus dans les choix posés à chaque instant face aux élèves, fortement imprégnés d'une conscience éthique (Maitre de Pembroke, 2018, 2022).

Cette approche s'appuie sur les niveaux de conscience favorisant la ré-émergence de ce que notre attention et nos perceptions saisissent de façon pré-consciente. Il s'agit donc de retours sur des moments professionnels réellement vécus et incarnés pour ré-éprouver les micro-éléments constitutifs des choix posés.

 

Cette approche a permis de mettre à jour deux niveaux intéressants servant de points d'appui au développement professionnel. Tout d'abord la prise de conscience des micro-procédures : Dans cet instant précis, qu'est-ce que je perçois de mes élèves ? Comment je m'y prends quand je gère mon niveau émotionnel ? A quel niveau corporel et cognitif je régule mon émotion ? D'autre part, elle a favorisé la prise de conscience de l'importance des valeurs qui pondèrent les choix et du poids de celles-ci dans la qualité de posture en lien avec les élèves.

 


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